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Pour ou contre les FORFAITS FISCAUX ? votation du 30 novembre 2014

Résultat des votations: les forfaits fiscaux sont maintenus!

 Le peuple suisse a été appelé aux urnes afin de décider du sort d’une particularité de notre système fiscal plus connue sous le nom d’ « IMPÔT AU FORFAIT» ou «IMPÔT D’APRES LA DEPENSE», système d’imposition préféré des riches étrangers en Suisse.

Précisons tout d’abord que la Suisse est une confédération composée de 26 cantons et que les personnes physiques s’acquittent chaque année fiscale d’un impôt au niveau fédéral, cantonal et communal calculé selon le barème ordinaire sur le revenu et/ou la fortune. Les résidents suisses sont taxés sur leur fortune et/ou revenus en Suisse et dans le monde entier. Les personnes au forfait ne doivent déclarer que leur fortune suisse, les revenus de source suisse et les revenus pour lesquels elle veulent bénéficier d’une convention de double imposition

L’imposition au forfait est basée sur les dépenses ou « le train de vie » du bénéficiaire et non pas sur le revenu et/ou la fortune. Seuls de riches étrangers peuvent obtenir le forfait fiscal accordé selon des règles très précises. Une fois que toutes les conditions d’octroi sont remplies, un montant annuel est fixé et une convention est signée entre les autorités fiscales et le futur « forfaitaire ».

Ce même jour deux votations auront lieu simultanément :

UNE VOTATION CANTONALE :

«Pas de cadeaux aux millionnaires : Initiative pour la suppression des forfaits fiscaux »

Le canton de Genève décidera du sort des FORFAITS FISCAUX en votant pour ou contre l’initiative populaire 149 qui réclamait la suppression du forfait fiscal dans le canton de Genève. En cas d’acceptation de l’initiative, la nouvelle loi déploiera ses effets dès l’année fiscale suivante.

Un contreprojet accepté le 10 avril 2014 par le Conseil d’Etat genevois lui est cependant opposé :

« Acceptez-vous la loi modifiant la loi sur l’imposition des personnes physiques ?»

Il prévoit la modification du texte de loi actuel en durcissant les conditions d’octroi de ce régime apprécié des personnes fortunées au lieu de le supprimer. A l’avenir, l’impôt sera calculé sur le montant du loyer annuel ou la valeur locative annuelle du bien acheté multiplié par 7 au lieu de 5 fois. Le seuil des dépenses sera fixé à CHF. 600’000.-/année et l’impôt ne sera plus calculé sur les dépenses effectuées en Suisse mais aussi sur les dépenses à l’étranger.

UNE VOTATION FEDERALE:

Le Conseil Fédéral a rejeté l’initiative 149 qui pénaliserait notre pays et sa position sur l’échiquier de la concurrence fiscale internationale sans négliger le fait que le départ de ces contribuables menacerait les finances de certaines communes et cantons où sont installées les « forfaitaires ». Le Parlement a mis en place un contre projet pour son maintien qui sera soumis au vote au niveau fédéral en parallèle à la votation cantonale ce même jour du 30 novembre 2014. Tous les cantons devront voter pour ou contre l’initiative populaire du 19 octobre 2012 : « Halte aux privilèges fiscaux des millionnaires (abolition des forfaits fiscaux) »

L’Article 127 Al. 2 bis (nouveau) précise : « Les privilèges fiscaux pour les personnes physiques sont illicites. L’imposition d’après la dépense est interdite. »

On remarquera qu’il n’est pas seulement question du forfait fiscal mais de tous les privilèges fiscaux. Une question se pose alors : comment peut-on définir « les privilèges fiscaux » ? L’acceptation de cette définition imprécise des privilèges fiscaux pourrait bien ouvrir la voie à des initiatives touchant à d’autres déductions fiscales particulières et l’on peut craindre pour nos deuxième et troisième piliers. Les multinationales qui sont nombreuses dans notre pays pourraient très bien aller voir ailleurs si on commence à faire des coupes drastiques dans leurs avantages fiscaux. Et ce ne sont que quelques exemples de potentiels « privilèges fiscaux » !

Les conditions modifiées entreront en vigueur le 1er janvier 2016 pour les nouveaux forfaitaires et en 2021 pour les personnes déjà sous le régime de l’impôt à la dépense. Cette nouvelle réglementation s’appliquera à la loi sur l’impôt fédéral direct (Article 14 LIFD).

Dans l’intervalle, afin de répondre à la demande d’une plus grande équité fiscale réclamée par les mouvements de gauche qui se servent de cet argument pour tenter d’obtenir la suppression du système de l’impôt d’après la dépense à l’échelle nationale, le Conseil Fédéral a déjà pris des mesures (nouvelle loi entrée en vigueur le 1er janvier 2014 avec un délai transitoire de 2 ans) en durcissant les conditions d’obtention. Le seuil d’imposition au niveau fédéral (Impôt Fédéral Direct) est passé à Chf. 400’000.- et les dépenses annuelles prennent en compte sept fois le loyer ou la valeur locative du domicile.

LE FORFAIT FISCAL

Le FORFAIT FISCAL ou IMPÔT D’APRES LA DEPENSE est né il y a plus de 150 ans (1862) dans le canton de Vaud. Il avait pour but de taxer les retraités étrangers fortunés qui venaient profiter de la douceur de vivre des Rives du Léman. Ils participaient ainsi au développement des infrastructures qu’ils utilisaient (routes, distribution d’eau, etc.). Genève l’a intégré en 1928 et Il est inscrit dans le droit fédéral depuis 1935.

En 2012, on comptait 5634 contribuables imposés au forfait : 1396 pour le canton de VAUD, 1300 dans le Valais, 877 au Tessin, 268 dans les Grisons, 211 à Berne et 710 à GENEVE.

Sa suppression en 2009 à Zurich a déclenché le mouvement pour son abolition au niveau fédéral. 50% des contribuables au forfait ont alors quitté le pays prouvant ainsi que la mobilité ne les effrayait pas d’autant que de nombreux pays où il fait bon vivre les attendent à bras ouverts. Sans aller jusqu’à Dubaï ou Singapour, on peut jouir d’une vie agréable en Belgique, à Londres, en Espagne, au Portugal, à Malte. Certains pays vous offrent même un passeport ! Depuis lors, quatre cantons ont supprimé l’impôt à la dépense : Schaffhouse en 2011, Appenzell-Rhodes Extérieur, Bâle-Ville en 2012 et Bâle-Campagne en 2014. D’autres l’ont maintenu : Appenzell-Rhodes Intérieur, Lucerne, Saint-Gall, Thurgovie et Berne mais en ont durci les conditions d’obtention. Les riches étrangers installés à Gstaad, station d’hiver fréquentée par la jet-set internationale, se souviendront du dimanche 23 septembre 2012 lorsque les citoyens bernois ont décidé de maintenir l’imposition au forfait tout en relevant le niveau d’exigence de son octroi.

Le pourcentage de personnes concernée par l’impôt à la dépense est faible en comparaison de la totalité des contribuables genevois mais les montants versés sont importants soit environ 162 millions de francs suisses pour le canton de Genève et 154 millions pour le canton de Vaud. La totalité des forfaitaires rapportent près de 695 millions à la Confédération dont 325 millions aux cantons et 178 millions aux communes auxquels il faut ajouter les recettes de l’Impôt Fédéral Direct soit 192 millions.

Outre les recettes fiscales apportées par les personnes au forfait, les retombées économiques sont considérables et ces riches étrangers soumis au régime de l’impôt sur la dépense sont des acteurs importants de notre économie faisant vivre de nombreuses PME.

Ces personnes qui n’ont pas le droit d’exercer aucune activité lucrative dans notre pays jouent souvent le rôle de mécènes dans la vie culturelle, dépensent dans nos commerces haut de gammes, fréquentent les établissements élégants et chers de notre belle ville de Genève. Ils utilisent de nombreuses sociétés de services : conciergerie de luxe, employés de maisons et font vivre les petits commerces locaux : pressings, épiceries de détails, traiteurs. Leur influence sur le marché immobilier n’est pas des moindres et l’on estime les retombées indirectes à 1.4 millard dont environ 900 millions pour l’immobilier. Il ne faut pas oublier que la TVA est incluse dans ces dépenses et que par conséquent, si le régime de l’impôt sur la dépense est annulé, les recettes de la TVA en seront aussi affectées.

Enfin, les héritiers d’une personne imposée au forfait doivent, en cas de décès du forfaitaire, s’acquitter des droits de succession. Ces personnes étant détenteur, par définition, d’une fortune importante, les impôts le sauront d’autant.

Conditions d’octroi du forfait fiscal

Selon le principe du fédéralisme, les cantons sont libres de leur politique fiscale et les conditions varient pour le calcul des « dépenses » d’un canton à l’autre mais être bénéficiaire de l’impôt d’après la dépense répond à des règles édictées au niveau fédéral (voir Concordat de 1948) à savoir :

Le futur forfaitaire doit être de nationalité étrangère (les citoyens suisses double nationaux ne sont pas considérés comme des étrangers). Les époux qui vivent en ménage commun ne peuvent prétendre à l’imposition à la dépense que si chacun d’eux remplit les conditions. Il ne devra pas avoir résidé en Suisse (au regard du droit fiscal) durant les 10 dernières années. Il s’engage à renoncer à toute activité lucrative en Suisse et depuis la Suisse et devra se soumettre à un contrôle de ses dépenses afin que les autorités fiscales s’assurent que le montant fixé correspond à la réalité.

Calcul de l’imposition au forfait à Genève

Le montant total des dépenses annuelles du contribuable – qui sert de base pour le calcul de l’imposition – utilise la valeur locative de la résidence du contribuable ou le montant du loyer annuel multiplié par cinq. Dans le cas d’un loyer supérieur au seuil fixé par le canton, l’autorité fiscale prendra en compte le loyer réel. Pour déterminer le montant de la taxation, on tient aussi compte de la fortune du contribuable. Les dépenses autorisées sont celles du contribuable et des personnes vivant en Suisse dont il a la charge.

Mais indépendamment du calcul établi sur la valeur locative ou le loyer, chaque canton a fixé un seuil d’impôt représentant un montant de dépenses annuelles minimal. A Genève, il est fixé à Chf. 350’000.- mais selon les statistiques présentées dans le rapport de gestion de l’Administration Fiscale Cantonale, l’assiette fiscale moyenne en 2010 était de Chf. 493’700.-. Pour les ressortissants hors de l’Union Européenne, le montant minimum est plus élevé.

Si l’impôt fédéral direct ne peut plus être calculé sur un montant inférieur à Chf. 400’000.-, les cantons sont libres de fixer le minimal qu’ils souhaitent imposer mais il ne pourra être inférieur au seuil établi par le Conseil Fédéral.

Enfin, les cantons auront toute liberté d’imposer la fortune du contribuable au forfait. Genève dans le projet de loi soumis au vote le 30 novembre 2014 a choisi de majorer les dépenses du forfaitaire de 10% dans la mesure où l’impôt sur la fortune est élevé dans notre canton.

Les citoyens suisses sont face à deux options : des recettes fiscales non négligeables qui pourraient, en raison du durcissement des conditions d’octroi, rapporter près de 1 milliard de francs suisses contre les 700 millions actuels ou, en cas de suppression des forfaits fiscaux, une baisse non négligeable des finances genevoises. il faudra alors se demander : « qui va payer pour remplacer les recettes fiscales de ces riches contribuables ? »

Mon propos n’est pas de me substituer aux spécialistes du domaine fiscal mais vise à apporter quelques éclaircissements à toute personne intéressée par le forfait fiscal, qu’elle soit étrangère ou suisse. A ce titre, je tiens à remercier Maître Xavier Oberson qui m’a apporté de précieux éclaircissements sur une thèmatique bien difficile à cerner.